Théorème de factorisation
En mathématiques, le théorème de factorisation est un principe général qui permet de construire un morphisme d'une structure quotient dans un autre espace à partir d'un morphisme de vers , de façon à factoriser ce dernier par la surjection canonique de passage au quotient.
Le cas des ensembles
Soit un ensemble muni d'une relation d'équivalence et la surjection canonique.
Théorème — Soit une application telle que (pour toute paire d'éléments x, x' dans X)
Alors, il existe une unique application
De plus :
- est injective si et seulement si, réciproquement, (et donc si ) ;
- est surjective si et seulement si est surjective ;
- est bijective si est surjective et si .
- L'unicité de g est immédiate et guide la preuve de son existence, dont voici plusieurs variantes :
- Preuve « naïve » : pour tout élément , on pose . Si pour un élément équivalent à , on a par hypothèse. Donc est bien définie. Par construction, f = g∘s.
- Formalisation de la preuve « naïve », rendant plus manifeste l'utilisation de l'axiome du choix : soit t une section de s (c'est-à-dire une application qui à chaque classe associe un élément de cette classe). On pose g = f∘t. Alors, pour tout élément x de X, (t∘s)(x) R x donc f((t∘s)(x)) = f(x), c'est-à-dire (g∘s)(x) = f(x) ; on a donc bien f = g∘s[1].
- Preuve sans axiome du choix : par hypothèse, f envoie tous les éléments d'une classe z sur un même élément y de Y. L'assignation z ↦ y définit alors l'application g qui convient[2].
- Formalisation de la preuve sans axiome du choix : en notant F et S les graphes de f et s, la relation binaire G = F ∘ S−1 (définie par : zGy s'il existe un x tel que z = s(x) et f(x) = y) est fonctionnelle et définit l'application g qui convient.
- Si f est surjective, l'égalité f = g∘s implique que g est aussi surjective.
- Supposons que est équivalent à . Soient tels que . Alors , donc et . Ce qui veut dire que est injective.
- La dernière propriété résulte des deux précédentes.
(La réciproque est moins utile mais immédiate : pour toute application g : X/R → Y, la composée f = g∘s vérifie x R x' ⇒ f(x) = f(x').)
Ce théorème peut se spécialiser à un certain nombre de structures algébriques ou topologiques.
Le cas des groupes
Sur un groupe , on considère la relation d'équivalence définie par un sous-groupe normal de : si . Alors, la surjection canonique est un morphisme de groupes et le théorème de factorisation s'énonce
Théorème — Soit un morphisme de groupes. Si est contenu dans le noyau de , alors il existe un unique morphisme de groupes tel que . De plus :
- est surjectif si est surjectif ;
- est injectif si on a ;
- est un isomorphisme si est surjectif et .
L'existence de est assurée par le théorème général plus haut. Le fait que soit un morphisme de groupes vient du fait que et sont des morphismes de groupes.
Si , alors si et seulement si . Cette dernière condition équivaut à . D'après le théorème général, est injective.
Le cas des espaces vectoriels
On considère un espace vectoriel et la relation d'équivalence définie par un sous-espace vectoriel : si . Alors, la surjection canonique est linéaire.
Théorème — Soit une application linéaire. Si est contenu dans le noyau de , alors il existe une unique application linéaire telle que . De plus :
- est surjective si est surjective ;
- est injective si on a ;
- est un isomorphisme si est surjective et .
Le cas des anneaux
On considère un anneau et la relation d'équivalence définie par un idéal bilatère de : si . Alors, la surjection canonique est un morphisme d'anneaux.
Théorème — Soit un morphisme d'anneaux. Si est contenu dans le noyau de , alors il existe un unique morphisme d'anneaux tel que . De plus :
- est surjectif si est surjectif ;
- est injectif si on a ;
- est un isomorphisme si est surjectif et .
Le cas des espaces topologiques
Soit un espace topologique muni d'une relation d'équivalence et la surjection canonique. On munit de la topologie quotient. Soit une application continue.
Théorème — Si pour tout couple dans , on a , alors il existe une unique application continue telle que . De plus :
- est surjective si est surjective ;
- est injective si on a équivalent à ;
- est ouverte (resp. fermée) si est ouverte (resp. fermée) ;
- est un homéomorphisme si est surjective et ouverte ou fermée, et si .
La continuité de résulte immédiatement des propriétés générales de la topologie quotient. Pour toute partie de , on a , cela implique la propriété sur les applications ouvertes ou fermées.
Références
- ↑ N. Bourbaki, Éléments de mathématique : Théorie des ensembles [détail des éditions], p. II-44, C57, renvoyant à p. II-20 sur Google Livres, proposition 9.a.
- ↑ Saunders Mac Lane et Garrett Birkhoff, Algèbre [détail des éditions], p. 35 de l'éd. de 1999 en anglais sur Google Livres.
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